jeudi 4 juin 2015

Les résistances en Art thérapie



L’art thérapeute doit considérer l’autre comme sujet. C’est bien différent de l’intentionnalité du soignant. L’autre a la place d’être ce qu’il est. On ne le force pas à aller mieux. La personne n’est pas soumise à notre volonté. Nous voulons qu’elle soit sujet mais elle est libre de ne pas vouloir. D’où l’interdiction d’intentionnalité. Pour beaucoup de personnes que nous accompagnons, ceci est difficile car elles ont l’habitude de se considérer comme objet (d’autres personnes, de leurs symptômes ou de leur mal être). Elles passent par un rapport unique à la vie, celui d’en être objet. Ces personnes ne vont donc pas aller vers la position de sujet par peur ou de par leurs résistances. Nous ne devons ni les forcer ni les brusquer. L’Autre est dans l’idée du fatum, connu dans le théâtre antique, qui écrase le héros comme une fatalité inchangeable.    
     
« Il est chimérique (…) d’attaquer de façon frontale l’aliénation, cela est voué à l’échec » (J.P. Klein, Penser l’art thérapie, page 214). Cela discréditerait également le thérapeute car il est question aussi de dévoilement. Par exemple, applaudir la performance d’une personne que l’on accompagne alors qu’elle a une image négative d’elle-même. Elle va refuser le compliment. Pire, elle ne nous considérera plus comme personne légitime car nous ne reflétons pas sa réalité. Et nous savons que la thérapie est question de reflet et de miroir.


Les stratagèmes développés par nos défenses sont nombreux. Du plus évident, celui que l’on décèle immédiatement, au plus insidieux, celui que nous ne comprenons qu’après plusieurs ateliers. Nous devons faire attention  aux défenses plus subtiles et plus difficile à déceler, autre que le déni, le refoulement ou encore l’indentification projective.

La  quotidienneté. La personne relate sans cesse ce qui s’est passé de terrible durant sa semaine, tel un JT. L’astuce fut de lui faire écouter un conte présentant des scènes horribles. Il y eut alors transposition du vécu personnel en récit. Ainsi, la thérapie partit sur la création commune de contes.

La plainte perpétuelle. La plainte peut se signifier en soi et ne souligne pas forcément un état de la personne. Il fait alors la prendre comme un matériau, sans la nommer, et faire avec elle. Cela me rappelle une expérience en pôle gériatrique où une dame se plaignait tout le temps, se répétant des litanies de souffrances. Nous avons, avec 2 clowns, fait « un rituel vaudou d’exorcisme de douleur », à grands renforts de tambour, kazou et de bulles. L’ombre sur le visage de cette femme s’envola rapidement et elle finit en riant.

Le larmoiement. La personne s’enferme dans ses émotions et s’y accroche, car c’est ce qu’elle connaît de mieux d’elle-même. Elle les voit donc comme une protection. Le problème est que le débordement attire la compassion. Il ne nous viendrait pas à l’esprit d’être sec avec une personne en larme. Mais la répétition de ces moments bloquera toute évolution possible. Il nous ait alors nécessaire d’emmener l’émotion ailleurs et ne pas la conforter. Il faut s’en servir comme appuie pour aller là où la personne ne pensait pas aller. Le but de la thérapie n’est pas de s’oublier, mais de se voir autrement. Je parlais plus haut de ré injection de l’émotion dans la création. Il en est question ici.

La théorie comme défense. Les théories freudiennes ont trop souvent été vulgarisées et détournées. Ils sont nombreux ceux qui brandissent le drapeau de la « psychologie de comptoir » et se servent d’un CQFD bancal sans savoir réellement en quoi consiste la psychologie et la thérapie. Depuis près d’un siècle, nous baignons dans ces théories freudiennes et psychanalytiques et nous pensons bien souvent pouvoir nous faire notre propre analyse pour peu que nous les connaissions un peu. Ces théories mal assimilées servent de protection à toute autre approche ou révélation de Soi à Soi. L’Homme a besoin de réponses et de sens, y compris pour ses maux. Autrefois, nous les expliquions par les croyances. Aujourd’hui, cela se fait par la psychanalyse et la psychologie. De ce fait, de par notre croyance personnelle faite à partir d’autoanalyse, aucun changement n’est possible. L’art thérapeute ou le médiateur artistique doit alors utiliser un autre chemin sans pour autant attaquer cette croyance. Comme astuce, je détourne l’objet premier sur lequel la personne va s’appuyer pour créer : ainsi, elle va lâcher ses acquis et va partir vers l’imaginaire, elle est emmenée vers un monde qui n’est pas celui qu’elle connaît. Ceci se fait, bien évidemment, progressivement.


Le symbole métaphorique. C’est le fait d’utiliser quelque chose pour ce que ce n’est pas. Par exemple, utiliser le rire et l’autodérision pour cacher une souffrance ou une faiblesse. La plaisanterie devient habituelle et enferme alors la personne dans un schéma de protection de son mal être. L’astuce serait, pour ce cas-là d’autodérision, de réprimer et d’interdire tous rires alimentant ce symbole métaphorique. De plus, ce sont bien souvent les personnes faisant le plus rire (de type maniaque) qui sont les plus dépressives. La dépression ne peut alors être décelée et traitée que si le soignant comprend le mécanisme de défense, ici symbole métaphorique, en marche.

Le but de l'art thérapeute va être de déplacer la personne. Le déplacement est le fait , logiquement, d’emmener une personne d’un point A vers un point B. Nous retrouvons ceci dans toutes thérapies, le but étant d’être différent en en ressortant. Seulement, en art thérapie, ces mécanismes de déplacements vont être différents des autres accompagnements.
Comme je l'ai expliqué dans un précédent article, de par la métaphore et la symbolisation. Rapidement, en protégeant l'espace symbolique de la personne, en ne divulguant pas le sens de ses créations et en la laisser en empathie avec son oeuvre, elle va devenir non plus objet, mais sujet de sa vie.
De par également le transfert, qui se différencie en art thérapie des thérapies traditionnelles, étant ici dans un rapport incluant un tiers : l'oeuvre artistique. Je développerai ce point dans un futur article.
A l'INECAT, nous parlons de stratégie du détours. Je développerai également ce point ultérieurement.

Pour nous, le propre de toute thérapie est de décoller la personne d’une identité réduite à la souffrance, Jean Pierre Klein.



Mathilde Pérignon






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