L’art
thérapeute doit considérer l’autre comme sujet. C’est bien différent de
l’intentionnalité du soignant. L’autre a la place d’être ce qu’il est. On ne le
force pas à aller mieux. La personne n’est pas soumise à notre volonté. Nous
voulons qu’elle soit sujet mais elle est libre de ne pas vouloir.
D’où l’interdiction d’intentionnalité. Pour beaucoup de personnes que nous
accompagnons, ceci est difficile car elles ont l’habitude de se considérer
comme objet (d’autres personnes, de leurs symptômes ou de leur mal être). Elles
passent par un rapport unique à la vie, celui d’en être objet. Ces personnes ne vont
donc pas aller vers la position de sujet par peur ou de par leurs résistances.
Nous ne devons ni les forcer ni les brusquer. L’Autre est dans l’idée du fatum, connu dans le théâtre
antique, qui écrase le héros comme une fatalité inchangeable.
Les
stratagèmes développés par nos défenses sont nombreux. Du plus évident, celui
que l’on décèle immédiatement, au plus insidieux, celui que nous ne comprenons
qu’après plusieurs ateliers. Nous devons faire attention aux défenses
plus subtiles et plus difficile à déceler, autre que le déni, le refoulement ou
encore l’indentification projective.
La
quotidienneté. La personne relate sans cesse ce qui s’est passé de terrible
durant sa semaine, tel un JT. L’astuce fut de lui faire écouter un conte
présentant des scènes horribles. Il y eut alors transposition du vécu personnel
en récit. Ainsi, la thérapie partit sur la création commune de contes.
La
plainte perpétuelle. La plainte peut se signifier en soi et ne souligne pas forcément
un état de la personne. Il fait alors la prendre comme un matériau, sans la
nommer, et faire avec elle. Cela me rappelle une expérience
en pôle gériatrique où une dame se plaignait tout le temps, se répétant des
litanies de souffrances. Nous avons, avec 2 clowns, fait « un rituel
vaudou d’exorcisme de douleur », à grands renforts de tambour, kazou et de
bulles. L’ombre sur le visage de cette femme s’envola rapidement et elle finit
en riant.
Le
larmoiement. La personne s’enferme dans ses émotions et s’y accroche, car
c’est ce qu’elle connaît de mieux d’elle-même. Elle les voit donc comme une
protection. Le problème est que le débordement attire la compassion. Il ne nous
viendrait pas à l’esprit d’être sec avec une personne en larme. Mais la
répétition de ces moments bloquera toute évolution possible. Il nous ait alors
nécessaire d’emmener l’émotion ailleurs et ne pas la conforter. Il faut s’en servir
comme appuie pour aller là où la personne ne pensait pas aller. Le but de la
thérapie n’est pas de s’oublier, mais de se voir autrement. Je parlais plus
haut de ré injection de l’émotion dans la création. Il en est question ici.
La
théorie comme défense. Les théories freudiennes ont trop
souvent été vulgarisées et détournées. Ils sont nombreux ceux qui brandissent
le drapeau de la « psychologie de comptoir » et se servent d’un CQFD
bancal sans savoir réellement en quoi consiste la psychologie et la thérapie.
Depuis près d’un siècle, nous baignons dans ces théories freudiennes et
psychanalytiques et nous pensons bien souvent pouvoir nous faire notre propre
analyse pour peu que nous les connaissions un peu. Ces théories mal assimilées
servent de protection à toute autre approche ou révélation de Soi à Soi.
L’Homme a besoin de réponses et de sens, y compris pour ses maux. Autrefois,
nous les expliquions par les croyances. Aujourd’hui, cela se fait par la
psychanalyse et la psychologie. De ce fait, de par notre croyance personnelle
faite à partir d’autoanalyse, aucun changement n’est possible. L’art thérapeute
ou le médiateur artistique doit alors utiliser un autre chemin sans pour autant
attaquer cette croyance. Comme astuce, je détourne l’objet premier sur lequel
la personne va s’appuyer pour créer : ainsi, elle va lâcher ses acquis et
va partir vers l’imaginaire, elle est emmenée vers un monde qui n’est pas celui
qu’elle connaît. Ceci se fait, bien évidemment, progressivement.
Le
symbole métaphorique. C’est le fait d’utiliser quelque chose pour ce que ce n’est pas.
Par exemple, utiliser le rire et l’autodérision pour cacher une souffrance ou
une faiblesse. La plaisanterie devient habituelle et enferme alors la personne
dans un schéma de protection de son mal être. L’astuce serait, pour ce cas-là
d’autodérision, de réprimer et d’interdire tous rires alimentant ce symbole
métaphorique. De plus, ce sont bien souvent les personnes faisant le plus rire
(de type maniaque) qui sont les plus dépressives. La dépression ne peut alors
être décelée et traitée que si le soignant comprend le mécanisme de défense,
ici symbole métaphorique, en marche.
Le but de l'art thérapeute va être de déplacer la personne. Le déplacement est le fait , logiquement, d’emmener une
personne d’un point A vers un point B. Nous retrouvons ceci dans toutes
thérapies, le but étant d’être différent en en ressortant. Seulement, en art thérapie, ces mécanismes de déplacements vont être différents des
autres accompagnements.
Comme je l'ai expliqué dans un précédent article, de par la métaphore et la symbolisation. Rapidement, en protégeant l'espace symbolique de la personne, en ne divulguant pas le sens de ses créations et en la laisser en empathie avec son oeuvre, elle va devenir non plus objet, mais sujet de sa vie.
De par également le transfert, qui se différencie en art thérapie des thérapies traditionnelles, étant ici dans un rapport incluant un tiers : l'oeuvre artistique. Je développerai ce point dans un futur article.
De par également le transfert, qui se différencie en art thérapie des thérapies traditionnelles, étant ici dans un rapport incluant un tiers : l'oeuvre artistique. Je développerai ce point dans un futur article.
A l'INECAT, nous parlons de stratégie du détours. Je développerai également ce point ultérieurement.
Pour
nous, le propre de toute thérapie est de décoller la personne d’une identité
réduite à la souffrance, Jean
Pierre Klein.
Mathilde Pérignon
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