La symbolisation se fait bien avant l’amorce de création. Elle est
présente dans la rencontre patient/thérapeute. Une thérapie, c’est aussi une
rencontre factice entre deux personnes. Nous touchons ici le principe de
transfert. Ce dernier n’intervient pas seulement entre un patient et un thérapeute. Il est présent dans toute relation humaine, selon la théorie
freudienne. Ainsi, quand une personne commence une thérapie, elle met en place
une rencontre factice permettant un transfert d’elle sur le thérapeute. La
rencontre est donc symbolique. Il n’est pas question d’une rencontre fortuite
au coin d’une rue.
Du même ordre, il nous est demandé
en art thérapie, de ne pas prendre connaissance des fiches de patients. Ainsi,
nous ne sommes pas tentés de prendre de raccourcis pour arriver au but que nous
nous serons alors donné. Nous devons nous adresser à la personne dans son
intégralité et non pas avec l’étiquette, par exemple,
enfant-psychotique-maltraité-à-tendance-suicidaire. La rencontre ne pourrait
alors pas se faire car nous ne serions pas totalement ouverts à l’autre. Nous y
reviendrons ensuite. L’art thérapeute ne doit pas interpréter, ce n’est pas le but ici. Interpréter résumerai à considérer
l’œuvre symbolique à travers symptôme seulement. Mais également, l’interprétation
parfois demandée au patient sous la forme anodine du « qu’est-ce que tu as voulu DIRE ici ? »
supprime toute symbolisation, si chère à l’art thérapie. La personne se voit
alors contrainte de mettre des mots sur l’innommable et le principe premier de
l’art thérapie s’effondre alors. Le thérapeute n’est bien évidemment pas dupe, mais il gardera pour lui les
liens qu’il pourra faire entre telle ou telle production.
En
ne faisant mine de traiter que la création,
l’art thérapeute protège le sens originel et favorise la voie de la
symbolisation. En laissant croire qu’ils ne voient que la métaphore, ils font
oublier la vérité, qui reste bien entendue présente mais cachée. Le mystère
(dans l’idée de protection de la vérité) reste intact. La personne peut alors
avancer sans se faire mal. La création a pour fonction de la faire avancer dans
ce sens. Elle permet toutes les possibilités car elle fait appel au jeu et au
ludique. Nous pouvons tuer et éventrer un personnage sur scène. Nous en donner
à cœur joie. Et faire la bise à la personne-comédienne en sortant de l’atelier.
Nous voyons bien ici que la création
protège, et le mystère et la symbolique. L’art thérapeute, de par sa
présence discrète, supervise ce jeu et la symbolique se met alors en place. Son
rôle est d’amener la personne plus en profondeur dans son mystère, plus en
profondeur dans sa création, plus en profondeur dans son jeu (ou Je)… Bref,
dans sa symbolisation.
La métaphore introduit un déplacement du sens. C’est sur ce
déplacement que va s’appuyer l’art thérapeute. La métaphore serait alors la
solution de l’énigme, résident dans l’Autre. En opérant un déplacement, la
personne ne s’appuie plus sur ses acquis mais elle commence à s’appréhender
d’une manière différente. Son référentiel
est en train de se déplacer. C’est la raison pour laquelle, il ne faut pas
expliquer les symboles, tout comme, par exemple, expliquer le sens d’un conte ou
le message que le peintre a voulu faire passer dans son œuvre. S’il y a
explication, on enlève la magie de l’expérience intime du vécu. La métaphore
permet de tourner autour des mystères sans les expliquer. Elle transmet ce qui
ne peut être prononcé ou dit pour ce qu’il est. Elle dit sans dire. Elle pointe
du doigt sans toucher. La personne passera donc par elle, du moins, nous devons
l’y emmener, pour exprimer son mal être sans le prononcer mot pour mot. Elle se
réappropriera alors son récit en le réinventant d’une autre manière que ce
qu’elle a l’habitude de se dire.
M.H. Erickson, psychiatre et
psychologue américain, explique que pour débloquer certaines impasses, nous
pouvons faire appel aussi à la métaphore. Si un patient résiste aux consignes,
nous pouvons induire que l’idée vient de lui. Nous détournons ainsi ses
défenses, tout en douceur. La métaphore sert donc de stratégie du détour. Elle manipule les sensations des personnes.
Elle offre des suggestions non verbales et des indications imagées qui vont
stimuler une partie du cerveau autre que celle de l’ouïe et de la compréhension
directe. En passant par la création d’images mentales, la personne s’approprie
différemment ce que nous lui disons (Hypnotic
realities: The clinical hypnosis and forms of indirect suggestions, M.H.
Erickson).
En ne semblant s’occuper que du
concret comme la réinjection de l’émotion
dans l’œuvre, l’art thérapeute a toujours à l’esprit d’emmener la personne plus
en profondeur vers son monde métaphorique. Son approche elle-même est
métaphorique, puisqu’il avance sous cape. Ainsi, métaphore et symbolisation vont
de pair. La métaphore est dans la création, dans le faire, le visible. La
symbolisation résulte d’un mécanisme psychique. En ne dévoilant pas le sens des
métaphores, sans chercher à les comprendre, nous devons créer les conditions
pour que la thérapie ouvre sur des symbolisations. Nous devons ouvrir la
métaphore. La symbolisation avancée par le thérapeute va permettre à la
personne d’avancer sur le chemin du mieux-être sans s’en rendre compte, sans avoir
l’impression de faire d’efforts. Elle ne se rendra compte que de la réalité, de
ses créations, pour ce qu’elles sont. Son cheminement symbolique se fera sous
cape.