mardi 9 juin 2015

Le mandala, au-delà du coloriage


Pour beaucoup, le mandala est un ensemble de formes présentes dans un cercle que nous colorions à notre guise dans le but de nous détendre. Nous voyons dans les kiosques, les librairies, les grandes surfaces, se multiplier ce genre d’ouvrages, traduisant au passage le désir actuel, toujours en constante évolution, qu’ont les occidentaux d’aller vers un bien-être intérieur.  

Je n’ai rien contre le coloriage. Le souci est que ces livres se nomment abusivement « art thérapie ».

Dans le milieu de l’art thérapie, nous utilisons effectivement les mandalas pour permettre aux personnes accompagnées de se recentrer sur elle-même et sur les troubles qu’elles peuvent vivre, et par la même, pouvoir les surpasser. Dans ce milieu, donc, la commercialisation de ces ouvrages est vu d’un mauvais œil car le titre « Art Thérapie » y est toujours apposé, réduisant ainsi la définition de notre métier à du préfabriqué. La thérapie, quel qu’elle soit, se joue dans la relation patient-thérapeute, dans le transfert que la personne accompagnée fait sur le thérapeute et, en art thérapie en plus, sur sa production. Sans cette relation interpersonnelle,  nous ne pouvons parler de thérapeutique.

Ces livres de coloriages devraient être traités comme des ouvrages de développements personnels, que l’on retrouve également en grand nombre. Il n’est pas question de thérapie à proprement parlé, mais de quête de bien-être et de calme intérieur. Une personne lisant un livre sur le développement personnel ne s’attendra pas aux mêmes résultats qu’une thérapie de trois ans. Elle peut se sentir soulagée, détendue, peut-être même trouvera-t-elle certaines réponses à ses questions. Car même s’il n’est pas question de travail thérapeutique à travers ses ouvrages, le passage de la personne d’état d’objet à l’état de sujet (dans le sens« d’objet de ses souffrances », où elle ne fait que les subir sans pouvoir agir) est bénéfique. Sujet, elle fait le choix d’affronter ce qui ne va pas et d’aller vers un mieux-être.

Elle ressentira cependant ce même bénéfice à travers toutes utilisations d’arts, plastique ou non. C’est la création artistique qui l’a fera retrouver son calme intérieur. C’est n’est donc pas de l’art thérapie mais de l’art tout court. L’utilisation de ses ouvrages est bénéfique donc, mais ce n’est pas de l’art thérapie et le médium du mandala n’est pas utilisé à sa juste valeur. Ce n’est qu’un prétexte marketing. Cette appellation abusive des éditeurs en recherches de bénéfices maintient la confusion autour de l’art thérapie.

Mais alors, le mandala c’est quoi ?

Cela ne vient pas du très estimé Nelson Mandala, comme on me le demande souvent… Cela ne vient pas non plus exclusivement du Tibet et du bouddhisme (même si le nom est en sanskrit « मण्डल »), comme on me demande moins souvent. Explication…

En toute modestie pour cet art que je pratique, il existe depuis le paléolithique. On ne parle évidemment pas de mandala. A cette époque, des cercles de terre au centre creux étaient disposés dans les sépultures. Il en est de même, des millénaires plus tard, dans la mythologie égyptienne, puis grecque, araméenne, latine, maya, aztèque, indienne, eurasienne. L’humanité, dans ses évolutions et dans ses cultures riches et multiples, a toujours utilisé les mandalas. Dans nos cathédrales en occidents, les rosaces qui ornent les tympans en font parties.

Tour à tour dans l’histoire de l’humanité,   il fût associé à la puissance féminine, à la création du monde, à la puissance de l’Univers ou de la Nature, où rien ne se perd et ou rien n’est exclu. Durant le 20eme siècle, il fut analysé comme une image archétype du symbole de Soi. C’est Carl Gustav Jung (psychiatre, fondateur de la psychologie analytique), qui se pencha le premier sur cette pratique oubliée en Occident mais toujours très présente en Asie, et plus précisément au Tibet. Et voilà pourquoi la présence de ce mot sanskrit sur les étalages de nos librairies. Jung parlait, et il en est de même chez les thérapeutes, de figures centrées. Le centre, le point référent évoqué au-dessus, traduit alors la position de la personne vis-à-vis de l’extérieur et de l’univers qui l’entoure.

Cette figure est universelle, dans le sens littéral. Le centre présente l’axe du monde (axis mundi) autour duquel les éléments tournent et s’organisent. Le point au centre est le repaire, d’où tout part et vers où tout revient. Il est l’élément qui ne bouge pas quand le cercle tourne.

Le contour, l’extrémité du mandala, est une délimitation vers un extérieur parfois trop vaste. Je dis bien le contour car un mandala n’est pas forcément un cercle, il peut avoir d’innombrables cotés. Le mandala tibétain, puisque nous vulgarisons ce terme, en possède une multitude : carré, triangle, losange.

Le mandala, de son terme bouddhiste, est une création éphémère en 3D réalisée en sables colorés que les moines mettent parfois des semaines à réaliser sur le sol, pour ensuite le détruire. Ils soulignent ainsi l’inconstance de l’univers. Sa réalisation s’accompagne d’un état méditatif. Le mandala, également appelé Kalachakra (la roue du temps) représente le temple du Dieu Vajrasattva, dans lequel doivent figurer les quelques 722 divinités bouddhistes (qui a dit que le bouddhisme était une religion simple ?). Les moines doivent au préalable méditer sur chaque divinité, sur chaque parcelle du temple et sur chacun de ses étages, avant de le réaliser. Il est dit que la création de ce Kalachakra est un moyen plus « rapide » d’atteindre l’Eveil. Ceci est un résumé très succinct de cette pratique religieuse.

Nous voyons bien ici que le terme mandala est utilisé abusivement.

Au-delà donc du coloriage, la réalisation du mandala fait écho au Soi, à l’intime. Et pour en développer les bénéfices, il est préférable de partir de nous-mêmes et donc de ne pas faire que du remplissage. Commencer par une couleur (jamais de noir pour commencer, ni de crayon pour prédéfinir les formes) et laissez votre main aller sur le papier. Ne décidez de rien. N’essayez pas de figurer quelque chose. Laissez-vous vous surprendre, ce sera le plus beau cadeau que vous puissiez vous faire.

Bien souvent, quand un mandala se commence, la personne veut dessiner ceci ou cela, mais ce n’est jamais à la hauteur de ses exigences. C’est en cela que les formes prédéfinies peuvent handicaper : elles peuvent aider mais enferment rapidement, ne permettant pas l’émergence de la créativité. Comme un enfant qui ne voudrait pas lâcher le bord de la piscine et nager.

Osez !

Il n’y a jamais d’erreur dans les figures centrées. Tout ce qui est présent l’est forcément dans un but. Cela reprend l’idée première des cercles centrés représentant l’Univers. Une tache ? Ne la cachez pas, elle a aussi le droit d’être là. Car tout ce qui est dans le contour fait partie du tout. Il est question ici d’acceptation de ce que nous sommes, défauts y compris, et de ce que la vie et le monde est, souffrances également comprises.

Un futur article viendra sur la réalisation des mandalas, des exercices, des méthodes et des exemples. En attendant, à vos pinceaux !

Mathilde Pérignon

2 commentaires:

  1. Un article intéressant qui nous donne à voir le mandala sous un angle réellement créatif et non comme un simple coloriage que l'on remplit parce que cela fait joli.
    Pour des personnes qui ne sont pas art-thérapeutes (comme moi) et qui ne s'y connaissent pas forcément, c'est très instructif, surtout la partie sur les origines du mandala, qui nous aide à mieux comprendre la finalité de ce travail avec et sur soi-même.

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  2. Instructif ! Je colorie depuis longtemps sans comprendre comment la magie apaisante et sereine du mandala opère. Merci pour ces éclaircissements !

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